Je commençais à avoir quelques doutes. Elle se faisait distante ces derniers temps.
Nos rapports intimes s’étaient espacés. Depuis la naissance du petit dernier pour être honnête. A part qu’il a 5 ans déjà... Mais je ne sais pas... De fil en aiguille... D’un « pas maintenant, je suis fatiguée » à « tu n’y penses pas! Je dois boucler ce dossier ce soir! », nous nous sommes éloignés.
Moi je situe le début de tout ça en septembre. A la rentrée. Quand l’aîné est rentré en CP. Il y a 2 ans donc.
Elle a changé de boulot. Elle revenait fatiguée mais heureuse. Ses nouvelles responsabilités. Du boulot par-dessus la tête mais une super ambiance disait-elle. Une nouvelle équipe. Qui se serrait les coudes. C’est important.
Elle a commencé à faire des horaires. Je m’adaptais comme je pouvais. Une réunion de dernière minute. Pouvais-je aller chercher les enfants ?
Moi, j’étais content pour elle. Je me disais qu’elle allait pouvoir s’épanouir professionnellement après avoir mis sa carrière entre parenthèses pour les enfants.
Pour autant, je pense sincèrement qu’elle travaillait beaucoup à cette époque. Mais ça lui a redonné de la latitude. De la liberté. Elle se sentait légitime à rentrer plus tard. Elle y prenait goût. Suis-je égoïste de le lui reprocher après coup? De penser que ça aurait été mieux qu’elle ne quitte jamais le domicile conjugal ? Que rien ne serait arrivé si... si...?
Elle ne négligeait pas les enfants mais je sentais comme une transformation.
D’ailleurs, c’est à cette période qu’elle a recommencé à bien s’habiller quand j’y pense. A se remaquiller. A faire attention à l’image qu’elle renvoyait d’elle. Elle se sentait sûre d’elle et j’adorais ça. Elle m’attirait. Elle dégageait une confiance en elle et ça me plaisait. Une belle assurance. Une belle femme. J’étais fier d’elle.
Et puis quelques mois plus tard, je me suis rendu compte qu’elle avait verrouillé son téléphone portable. La batterie du mien m’avait lâché et je devais prévenir mes parents que j’aurai un peu de retard pour venir. Un truc tout bête en somme. Je prends son téléphone et je me retrouve comme un idiot à essayer de l’ouvrir avec son code. Sa date de naissance ? Non. Celles des enfants ? Non plus. Je me suis arrêté avant de le bloquer. J’étais un peu désemparé mais je n’ai rien dit. Je ne sais pas pourquoi.
Une autre fois, j’entre dans la chambre et je la vois qui rougit et qui cache maladroitement le téléphone sur lequel elle écrivait quelques instants auparavant. Elle était mal à l’aise. Elle s’est levée et est sortie de la chambre sans rien dire. Me passant devant. Je suis resté immobile un moment à ne pas savoir quoi faire ni comment réagir. Pourquoi ne l’ai-je pas interrogée ce jour-là ? Je ne sais pas. Le déni?
C’est à ce moment-là que j’ai commencé à ressentir un malaise. Qui peu à peu s’est immiscé en moi. A terni ma tranquillité d’esprit, ma sérénité. Insidieusement. J’ai commencé à me méfier. A mettre en doute ce qu’elle me disait. Une semaine à la montagne entre copines? Était-ce vraiment ça? Un dîner chez sa sœur? Encore? Un week-end chez sa mère qui vit seule? Ah oui?
Tout tournait en rond dans ma tête. Je ne savais plus. Je doutais de tout. Je me répugnais à fouiller dans ses affaires. Mais je n’aimais pas ce que je devenais. Soupçonneux et aigri. Et j’avais peur. Peur de la perdre.
Et puis une fois, j’ai dû emprunter sa voiture, la mienne étant en révision. Et j’ai trouvé. Ce que je redoutais de trouver: une facture de chambre d’hôtel. Le fameux week-end où elle aurait dû être chez sa copine. J’avais la preuve. Je l’avais grillée.
Bêtement en évidence dans la boîte à gants, cette facture me blessait plus sûrement qu’un coup de poing en plein estomac.
Je dirais qu’à ce moment-là, j’ai ressenti diverses émotions extrêmement contradictoires : j’étais certes blessé mais soulagé. Soulagé de l’avoir démasquée. Cette traque muette prenait fin. Et puis j’étais jaloux bien sûr ! Et je me sentais trahi.
Mais aussi incroyable que ça puisse paraître, j’ai ressenti autre chose que je ne comprenais pas. J’ai ressenti une extrême attirance pour elle. Un fort désir.
Encore aujourd’hui je ne me l’explique pas vraiment. D’où me venait cette attirance... perverse? Le fait qu’elle ait été convoitée par un autre m’excitait. Je la désirais davantage. Contradictions humaines!
Je voudrais lui pardonner. Et en un sens, je comprends son besoin de plaire et d’avoir un jardin secret. Ça me la rend mystérieuse. Comme inaccessible. Et désirable.
Bravo.
Pour avoir vécu une situation similaire.
De nombreux signes en effet, qu'on ne voit pas, qu'on ne veut pas voir.
Puis finalement, on découvre la vérité.
C'est plutôt la colère, la haine, qui m'ont emplit. Non envers elle, mais envers celui qui est venu briser notre famille.
C'était il y a trois ans.
La haine est désormais envers elle. Inextinguible.
Bonjour. Pour ma part, j'ai de moins en moins de relations charnelles avec mon épouse. Je me pose également des questions. Mais le pire, c'est que je la désire toujours autant. Je comprends ce récit... Je suis curieux de connaître l'issue...
Très touchant...on ne peut pas lui en vouloir, l'écriture est tellement fluide et bien construite que n'importe quel personne "moralisante" comprendrait la position des deux protagonistes. Merci pour ce texte.
Un fidèle admirateur.